Saturday, January 12, 2008

Rentrée & Film Festival.

De retour à Pune.
Certains cours ont repris et j’ai attrapé mon coup de froid habituel de quand je rentre. Sauf que cette fois-ci j’essaye de l’entretenir à un seuil minimum pour quand je vais partir à Singapour dans 3 semaines. Pour qu’ils croient bien au département que j’ai vraiment la grippe.

Derrière moi le raffut du trafic de la rue en contrebas, je suis dehors en pull, il fait vraiment chaud, j’ai l’impression toute la journée d’avoir comme un gros sac plastique dans laquelle reposerait ma tête. Tous les sons qui parviennent jusqu’à mon intérieur ouaté me paraissent étouffés.

* * *

L’autre jour, fin d’après-midi chez Naïma.
Des oiseaux gazouillent au-dehors. Quelques rires d’enfants, il fait bon. J’ai l’impression d’être un doux soir d’été à Viroflay, en fait il est 17h et nous sommes le 10 janvier.

* * *

Ce matin j’ai vu la neige. Et aussi les sièges verts des rames de métro neuves, et la vue qu’on a de Paris, quelques mètres après chez Alain quand on remonte la rue Piat. Ma première vue de Paris, la toute première dont je me souvienne. Avec la tour Montparnasse bien à gauche, et la tour Eiffel bien à droite. Les gros immeubles comme à la Duchère, bien au premier plan. J’avais 11 ans.

J’ai vu ça dans un film. C’est le festival du film à Pune, et c’est génial de pouvoir aller au cinéma loin des opus b/hollywoodiens.
Enfin à part qu’il y a eu la neige, la mer, un petit sapin de Noël avec une guirlande musicale, la vue de Paris depuis Belleville et une baguette en premier plan comme si on pouvait la manger en vrai, le film était nul.
Hier j’ai vu un film pakistanais qui m’a beaucoup fait pleurer, et ça m’a énervée parce que je n’aime pas quand je me fais manipuler comme ça par les scénaristes.
C’était Khuda Kay Liye (Au nom de Dieu), de Shoaib Mansour. A part que les play-back sont mal faits, le film est bouleversant.
Comme d’habitude en Inde, la salle était hyper réactive, avec les ‘wouhou’ là où on les attend (scènes d’amour) les applaudissements où on les attend (grandes tirades toutes blanches face au discours tout noir du méchant) mais également là où on ne les attendais pas : au nom de Jinnah*, effervescence de petits groupes éclaboussés un peu partout dans la salle… J’ai encore tout à apprendre sur la Partition.

* * *

En face de moi, à l’intérieur, je vois à travers la vitre une fille qui porte un jean moulant, des escarpins à talons et un petit top noir. Elle a des mèches et joue au billard avec un autre gars ‘fashion’. Leur image se superpose à mon reflet dans le miroir.
Je souris. Très bonne année 2008 à tous, et surtout tous mes vœux de bonheur…



* En 1947 le parti du Congrès est divisé en 3 courants principaux : le courant brahmane de Gandhi (l’unité indienne doit se construire autour de la religion, plus particulièrement autour de l’hindouisme), celui de Nehru (la religion ne doit en rien interagir avec la sphère publique) et enfin le mouvement emmené par Jinnah (leader de la Ligue musulmane) prônant la Partition de l’Inde.
Le 15 Août, jour de l’Indépendance, la Partition a lieu, donnant lieu à deux entités politiques distinctes : l’Inde et le Pakistan (occidental et oriental, le Pakistan oriental devenant un nouvel Etat en 1971 : le Bangladesh).
Sources : souvenirs du cours de ‘Sociology of India’ de Sharmila Rege.

Saturday, December 15, 2007

Suite.

Vous n’auriez pas manqué de vous rappeler qu’avant de partir 5 semaines sur les routes, nous nous sommes fait voler nos ordinateurs portables. Et qu’il y a encore plus a raconter que ce qui en a deja ete dit…
Apres les episodes 1 (trouver le bon commissariat) et 3 (se rendre au marche noir) voici :

Les aventures de Fox et Charlie – sur les traces des laptops voles.
Episode 2 : Cours preparatoire.

Rappel des faits : le Vendredi nous reussissons a trouver quel commissariat va s’occuper de nous. Le Dimanche nous partons en enquete de terrain au marche noir.
Entre les deux, il a fallu aller faire rediger une declaration de vol.

C’est donc en ce Samedi que nous sommes retournees voir nos amis les flics pour avoir nos declarations de vol redigees, histoire de faire jouer l’assurance.
L’episode n’est pas tres long a narrer (meme s’il fut long, tres long a vivre) (je dirais au bas mot 2h30).
Qu’est-ce qui a pris du temps ? La redaction (a la main, et en Marathi bien sur !) de la declaration. Mais surtout : faire comprendre nos noms aux policiers… (Notamment Flo bien sur, qui porte un nom russe : un ‘z’, des consonnes qui s’enchainent, un ‘k’, un ‘y’ etc.) En moyenne cette operation nous a pris 1h.
Je tiens tout de meme a dire que nous avions nos copies de passeport, et qu’il suffisait donc a l’inspecteur de recopier. Mais non ! il voulait l’ecrire en alphabet nagari. Soit.
Et surtout surtout, il voulait… de l’argent, avons-nous fini par comprendre (franchement, c’etait pas possible d’avoir l’air aussi idiot sans le faire expres).
Tout s’est ainsi plus ou moins debloque quand je l’ai regarde dans le blanc des yeux – ‘We won’t give you any money now.’ – et quand Flo s’est emparee du stylo pour leur donner une petite lecon d’ecriture… a mourir de rire ! En attendant Fox et Charlie ont donc ete rebaptisees
Pour finir (et pour faire la paix) nous nous sommes vues offert un chai, pendant que les flics finissaient leur job.

Place maintenant a l’
Episode 4 : Rendez-vous.

Nous sommes maintenant Lundi.
Il est 20h30, nous avons rendez-vous au CCD (Café Coffee Day) de MG Road, avec un inconnu qui nous a rappele du Juna Bazaar. Il a un laptop pour nous, c’est un HP. Celui de Flo ?
Il finit par arriver avec une heure de retard, blouson, pochette avec l’ordi. Il prend une chaise, s’assied, deballe la marchandise.
… mauvaise pioche ! Ce n’est pas notre ordi.
On discute prix, prenons l’air interesse.
‘If you want more, I can have more. My friend will be back from the United Arabic Emirates in few days. It’s where we get the things.’
Il remballe l’ordi, sert des mains, et repart aussi sec.

Snif. Nous ne sommes toujours pas tombes sur le reseau mafieux de Bhau patil road !

Tuesday, December 4, 2007

Varanasi.

Je suis partie en Inde sans rien en savoir que quelques documentaires d’Arte tronques. Suffisamment cependant pour connaitre l’existence de Varanasi et ne pas vouloir y aller, pas assez donc pour etre atteinte par le mythe.
Je me suis demandee ce que vient chercher un touriste a Varanasi. Pourquoi y est-on ? Pour y voir quoi ? Se confronter a quoi ?
Aller a Varanasi me semblait voyeur et morbide.

* * *

Le train, comme toujours, a pris son temps pour y arriver. Apres de multiples arrets au milieu de nulle part, nous sommes entres dans une gare, pas trop grande ni trop frenetique, sous un ciel gris plombe et une petite bruine.
Jamais je n’aurais cru que nous venions d’entrer en gare de Varanasi.

Du haut de notre rickshaw-cyclo la ville ne m’a deja pas semblee ordinaire. Je ne saurais l’expliquer, ce n’etait juste pas pareil.
Pour la premiere fois depuis des semaines il n’y avait pas de ciel bleu au-dessus de nos tetes, mais un gris perle bouche et lumineux, une petite pluie qui venait de tomber.

Nous avons cherche la guest house dans les rues de la vieille ville, et soudain, c’est comme si nous l’avions senti. Le Gange, juste la, derriere le muret.
Et voir ce fleuve, si large, si immobile, imposant et paisible, ca c’etait magique.

***

Ce matin, le soleil est revenu.
A 6h30 il apparaissait derriere la berge – rouge sanguinolent.
A 10h30 il est haut dans le ciel et chauffe, et le ciel est bleu au-dessus de ma tete, et brumeux au-dessus du Gange.

* * *

Je ne sais toujours pas ce qu’un touriste vient chercher a Varanasi. L’ambiance de la ville, bien que touristique, reste tres particuliere et magique, les prieres au Gange une fois le soir tombe, les pujas* - petites flammes tremblotantes qui brillent sur le fleuve une fois la nuit venue.
Le monde, le Gange degueulasse dans lequel on a pieds meme en plein milieu, tous ces bateaux a rames, rencontre avec un viel homme au-dessus des buchers crematoires, la ou les rives du fleuve sont noires de cendres mouillees et oranges de colliers de fleurs rituels.
Le vieil homme voit Shiva** apparaitre, parfois, la nuit. Il me raconte Varanasi.
Entre temps, en bas, sur les ghats, le pied qui depassait du bucher est tombe. Heureusement quelqu’un a ramene du bois du feu mourrant d’a-cote. Et j’ai trouve ca gentil, parce que le bois de la cremation coute cher (entre 1000 et 2000 Rs minimum pour les 3 heures de feu necessaires a bruler un corps) et qu’il n’y a pas de raison de partager sa part durement acquise.


* offrandes (pour les prieres)




Friday, November 23, 2007

de Jaisalmer

Mercredi 21 Novembre, a Udaipur - coucher de soleil.
J'ai laisse le reste du groupe aller se poser dans un parc. De mon cote je m'assieds sur un banc, au bord des Ghats. Bruits sourds des dhobi-wallahs qui battent le linge sur les marches de beton, tout resonne pres du fleuve et on entend a peine le bruit de la circulation. Au-dessus de ma tete le bruissement agacant des ailes des pigeons qui volent dans l'air immobile. Un jeune garcon qui m'approche, son petit frere dans les bras : "Hungry baby". Soudain, le son d'une planche a roulettes. C'est le moyen de locomotion des amputes des jambes.
Les Ghats sont plutot paisibles - a part ces maudits pigeons. Le lac en lui-meme est sale et plein d'algues vaseuses. Odeurs.
Partout autour d'Udaipur s'elevent des montagnes - paysage apaisant, j'aime qu'il nous rappelle notre insignifiance.
Peu a peu le soleil disparait derriere les batiments blancs et cremes de la ville, la tete d'un autre touriste surgit dans le cadre de vision de mon appareil photo.
Il y a 600 000 habitants a Udaipur, 20% de touristes - dont un sur deux est Francais.
Je rentre a la guest-house, les plumes des pigeons me font mal aux yeux.

Jeudi 22 Novembre, 3e jour a Udaipur.
... et il n'y a deja plus rien a y faire.
C'est un peu ca les jolies villes du Rajasthan : on en a vite fait le tour et le harcelement touristique rend les vieilles villes peu reposantes.
Nous trainons a la guest house, qui avec le Monde, qui avec le Courrier international - je deploie un Canard enchaine, Gautier ressemble a un lion en cage.

Sur les coups de 15h un genie nous fait decoller pour ‘Tiger Lake’, a 8Km de la ville. Les paysages sont magnifiques et nous sommes rapidement eloignes du tumulte.
Tiger Lake. Il n’y a personne, le soleil est deja bas dans le ciel. Le lac est superbe, entoure de collines montagneuses dechiquetees. Nous commencons a en faire le tour.
‘J’ai pas l’impression d’etre en Inde.’ Nous le pensions tous tout bas. Il n’y a pas un bruit, pas un sac plastique qui ne traine, pas une odeur. C’est comme si tous nos sens etaient anesthesies, ne nous laissant plus que la vue pour contempler la nature epoustouflante.
Le chemin s’arrete, nous grimpons au milieu des cactus. Arrives a une bergerie en ruine, au sommet de la montagne, un tout autre paysage se devoile a nos yeux, s’etend sous nos pieds. Des chaines de montagnes vallonees au loin, le lac qui s’emboucle de tout un tas de meandres compliques et tortueux.
Le groupe se divise. Gautier Josephine et moi continuons, Francois Sam et Flo rebroussent chemin. Je suis soulagee que d’autres veuillent continuer. Je deteste retourner sur mes pas…





Nous escaladons, grimpons, redescendons, glissons dans la poussiere, marchons sur des epines de cactus sechees qui se plantent dans nos pieds (particulierement mon cas : je suis en tongs Tribord).
Soudain nous tombons sur une route en construction qui desert des carcasses de maisons fantomatiques : armatures de beton. ‘A new resort is being built.’ Maisons de campagne pour riches Indiens ou complexe touristique ? Quel gachis…

Nous arrivons finalement dans la vallee, de l’autre cote de la montagne. Puis pres d’un marecage ou se baignent une poignee d’enfants tout nus qui s’envolent en une nuee piaillante et joyeuse a notre approche. ‘Je crois que nous venons de perturber un eco-systeme…’.
Jusqu’au moment ou l’on s’enfonce dans la gadoue, ou mes tongs ne se decollent plus de la terre detrempee… je m’extirpe du bourbier pieds nus.
Quand je remets mes chaussures impossible de marcher, mon pied pivote. J’essaye d’essuyer les tongs, une maman envoie sa fille me remplir une bouteille d’eau du marais. Comme ca ne suffit pas a retirer la boue qui m’empeche de marcher, un homme qui passait par la m’enleve les chaussures et part me les rincer directement et consciencieusement. Je me sens affreusement genee.
Les trois adultes ne parlent pas Hindi. Jo comprend quand meme un peu, nous expliquons que nous voulons repasser de l’autre cote de la montagne pour finir le tour du lac. L’homme ouvre la marche, les enfants et les deux femmes la ferment.

Nous arrivons dans un petit village improbable, love entre deux montagnes, ou s’entassent baraques et chevres. L’homme nous conduit a travers les maisons, s’excuse d’avoir bu, nous amene au sommet de la colline. Nous remercions, sourions, saluons, il nous touche les pieds, nous nous sentons deplaces et ne savons pas comment reagir, resaluons, resourions, et redescendons enfin, du cote du lac principal.

Il est 17 heures. Le soleil disparait derriere les montagnes dans notre dos, teintant d’orange le paysage en face de nous. Le ciel est tres bleu. La Lune, fantomatique, se leve deja.
Moments de calme et beaute, serennite, plenitude.



***


Nous avons retrouve le tumulte et les gens a l’arrivee a Jaisalmer. Les gens a la sortie du bus qui te sautent dessus pour une chambre, un rickshaw, que sais-je.
Nous traversons la rue pour prendre un chai, ils sont 24 autour de nous a nous harceler. 24 c’est presque une classe entiere de college… Le harcelement est tel que le gouvernement envoie l’armee a la descente des bus et des trains, pour proteger les touristes et repousser les ‘businessmen’ (‘Why are you angry Ma’am? This is my job! Come to my hotel.’)

Pourtant Jaisalmer est magnifique, probablement la ville qui me plait le plus depuis que nous sommes ici, au Rajasthan.
Entierement jaune, construite de pierre de sable, se detachant sur le bleu du ciel.
Nous sommes dans le desert…

Thursday, November 15, 2007

de Jodhpur - Trajet, 1ere partie.

Nous sommes le jeudi 8 Novembre.
La journee en serait presque stressante. Il faut faire les sacs, ranger nettoyer et boucler l'appart, aller retirer des sous, finir de payer mon billet d'avion pour Singapour en Fevrier, quelques allers-retours en scooter, Zohreh qui m'aide a preparer un semblant de pique-nique.

18h15. Central Pune, bus station. Nous sommes en retard, le car aussi. Un vieu machin tout rouille qui nous aurait fait peur s'il avait fait jour, mais au moins c'est un vrai sleeper. Nous sommes juste au-dessus des roues, la route est defoncee, parfois on dirait meme que des mines ont saute par ici. Qu'a cela ne tienne, musique dans les oreilles, tete dans les etoiles : accoudee a la fenetre ouverte je laisse defiler devant mes yeux le noir paysage. Maharashtra Madhya Pradesh, le soleil qui se leve, "Alors ca ressemble a ca le Madhya Pradesh ?", c'est sec, rocailleux, lunaire, il n'y a rien ni personne (du moins pas grand chose) et les quelques arbres qui bordent la route ont des allures fantomatiques dans la lumiere du petit matin.

Nous arrivons finalement a Indore, vers 10h. On dirait une ville de campagne, il fait chaud, j'ai le soleil dans la figure, mon sac me tire sur les epaules.
Soudain des papillons dansent devant mes yeux, des points noirs s'y melent. Toujours plus. Ca ne passe pas, j'ai envie de vomir, je m'assieds.
Tout devient tres lumineux et tres noir en meme temps, je m'allonge sur un banc, je ne vois plus rien du tout. Il y a beaucoup de bruit, pas tant de monde que ca, quelqu'un fait bruler du plastique derriere moi. Finalement une petite Bisleri bien glacee et un caramel plus tard et ca repart, meme si tout reste trop lumineux et trop constraste pendant un moment. J'ai l'impression de me trouver dans l'une des photos de Gautier, il y a des anges partout.

Il n'y a pas grand chose a faire a Indore, a part essayer de se sustenter, acheter des billets de train pour en repartir, etre devisage (et devisager ?) et faire une ballade dans la ville pour tuer le temps. Les routes sont parfois en terre, l'unique attraction (un palais) est fermee (uniquement aux touristes) pour Diwali, des champs de linge qui seche, il y a pas mal de chevres et un slum au milieu - c'est la capitale economique du Madhya Pradesh...

16h20 - notre train est pile a l'heure. Delhi nous voila !

Tuesday, November 6, 2007

Marche noir.

Les aventures de Fox et Charlie – sur les traces des laptops voles.
Episode 3 : Juna bazaar.

Renseignements pris, le marche noir de Pune est le Juna bazaar (officiellement marche aux puces).
Bien evidemment notre petite equipee est loin de se trouver sur les lieux a 10h…

La journee commence a 10h30, quand Flo et moi nous faisons lamentablement lacher par les flics. Ils ne sont que deux ce matin-la, en uniforme de surcroit, et n’ont aucune intention de diminuer leurs effectifs de moitie pour courir après deux laptops irretrouvables.
Fox et Charlie se rendent donc au Amar Paradise, aka : vont piteusement sonner chez Francois – et le reveiller par la meme occasion…
Il est 11h30, Zohreh se reveille a son tour et manifeste son envie de nous accompagner.

13h. Nous penetrons au Juna bazaar.
Il fait chaud, Flo Zohreh et Francois marchent dans une crotte humaine (tous du pied gauche heureusement), je rigole, je transpire, il y a beaucoup de gens et de vieilleries.
Les vieilleries cotoient des affaires et chaussures bien trop neuves pour etre legales, tout est a meme le sol et la circulation se fait dans des allees tres etroites, nos tetes raclent les baches qui servent de toit.
Petit a petit nous nous enfoncons de plus en plus sur la droite, vers les baraques en dur – bouts de tole ondulee assembles. Des vieux ecrans de Minitel s’entassent a cote de grosses chaines rouillees et autres pieces metalliques d’usage totalement non-identifie.
Nous demandons les laptops, les gens sont plutot mefiants. ‘For the laptops come tomorrow.’ Nous laissons notre numero ici et la, promettons un bon prix pour un laptop second hand qui tienne la route. Dans une allee reculee odeur de colle fondue, deux ados autour d’un brasero.
Nous ressortons et rejoignons le coeur du bazaar.

C’est alors que nous tombons sur un stand d’objets electroniques tombes du camion.
‘Laptops?’
‘Laptops nahii.’
On insiste.

C’est alors que…
‘Come.’
Une jeune femme en punjabi bleu nous fait sortir du bazaar. On traverse la route, tiens ! un slum en face. Nous avons perdu Francois et Zohreh. Qu’a cela ne tienne…
Nous suivons la jeune femme, entrons dans le slum. Je place ma dupatta sur ma tete, Flo se voile a son tour avec son echarpe.
Les gamins qui jouent, les chevres qui trainent, les femmes qui font la vaisselle… Je ne suis pas trop capable d’en dire plus, nous evitons de laisser trainer notre regard comme si nous etions au zoo. Scenes de vie.
Apres quelques tours et detours, nous arrivons a une sorte de magasin d’electronique au centre du slum.
L’homme n’a qu’un laptop, bien sur ce n’est pas un des notres, il est minuscule.
Nous demandons s’il n’en n’a pas de plus grand. Non, mais on peut noter notre demande dans son cahier, avec notre numero de telephone. La jeune femme nous explique :
“Tell us what you want. Every Thursdays we go to Bombay and purchase the items.”
Echec et mat. Flo et moi remercions ; ce n’est pas ici que nous retrouverons nos portables…

Friday, November 2, 2007

Commissariats.

8h06. Le reveil sonne, je reussis a m’extirper de mon lit.
Dans la chambre des filles, le lit d’Erin est vide. “Eh ! Flo ! Tu sais pas quoi ??? Le lit d’Erin est vide, hehe” “Naaan ?” *air hilare*
Sur ce Flo saute sous la douche tandis que je me dirige d’un pas ensomeille vers la cuisine, objectif : Nescafe.

Ce matin on traine pas.
Parce qu’a 9h nous devons etre en socio. Au menu: expose sur le research term paper que nous avons rendu (et redige ! …) mardi.
Je ne suis pas allee jusqu’a preparer des notes, je n’ai pas de copie de mon paper. J’essaye de connecter deux neurones pour inventer un expose de 10 minutes dans ma tete, quand soudain l’un de mes arguments echappe a ma cervelle de poisson rouge. Qu’a cela ne tienne, j’ai encore 5 minutes pour allumer l’ordi et relire mon paper.
Mais ou est l’ordi ?
Pas dans le salon, pas dans la chambre…
“Flo, t’as pas vu mon ordi ?” “Nan.”

“Merde ! Et le mien n’est pas la non plus ! Ni mon iPod !!!”

*regards convergents vers la porte qui s’entrouvre toute seule*…

#interlude#
De la connerie incarnee, ou le systeme indien de fermeture de porte.
Dans notre residence, les portes sont de simples planches de contreplaques munies de 3 gonds. Pas de penne, simplement un verrou a l’exterieur, et un a l’interieur. C’est-a-dire que quand quelqu’un part et que d’autres sont a l’interieur, il est necessaire (mais suffisant) que ceux de l’interieur ferment la porte. Sinon soit elle reste ouverte (et s’entr’ouvre a cause des courants d’air) soit les autres de l’interieur sont enfermes de l’exterieur. (Vous ne suivez pas ?)

Ainsi, ce qu’il s’est passé ce matin : Erin est sortie sur les coups de 8h faire quelques courses. Je me suis levee a 8h06.
Dans l’intervalle un couillon est entre dans l’appartement et s’est servi. 2 ordis et un iPod donc, enfin grand seigneur, ladite personne a laisse a Flo son cahier d’anthropo delicatement pose sur le sofa. Quelle elegance…

S’ensuit une periode de grande colere chez Flo, et de totale apathie de mon cote. Bien sur je n’ai fait aucune sauvergarde, j’ai perdu toutes mes photos, la musique et, accessoirement les research term papers entames… Mais je ne realise pas grand chose, tout ca me passe completement au-dessus de la tete.

C’est a ce moment précis que peuvent commencer
Les aventures de Fox et Charlie – sur les traces des laptops voles.
Episode 1 : Les police stations.
Par un pur hasard (surement) l’Akanksha B est completement desert ce matin-la. Pas une madame qui nettoie le parvis de l’entrée, pas de watchman, pas de gamins qui zonent dans les parages.
Au 6eme - equivalent des chambres de bonne - un homme entre deux ages, une serviette autour des hanches : il n’a rien vu. Dans les escaliers qui menent au toit, une superposition pas croyable de boites en carton en tout genre et d’objets degueulasses qui s’entassent jusque sur la terrasse du top floor. On souleve quelques chiffons crados, mais pas de traces de laptops (en meme temps ils n’allaient pas non plus nous sauter au visage).
Au final juste le scooter de Flo eventre sur le sol… J’essaie de la calmer, ce n’est probablement qu’un hasard (encore un !).

Nous enfourchons ledit scooter, recuperons Leila au passage. Fox et Charlie ne doivent pas oublier leur premiere mission du matin : se rendre en socio et faire leur expose.
Bien sur nous arrivons avec un quart d’heure de retard - alors meme que nous etions absentes la veille pour cause (officielle) d’aller-retour a l’hopital, parce que Flo avait mal au pied après s’etre fait tomber son ordinateur dessus (du temps ou elle l’avait encore). En realite nous nous sommes rendormies et Flo n’est allee a l’hopital qu’a 17h, mais ceci est une autre histoire.
Bref bref, Fox et Charlie entrent en tourbillon en classe, ecrivent un petit mot a Sharmila. Trop gentille, elle nous fait passer en premier pour les exposes. D’un coup je me sens mal et j’ai les larmes aux yeux. Je me vois dans quelques secondes en face de cette classe qui devient une foule hostile, incarnant tous les mechants enfants de notre voisinage. Au final l’expose est expedie en 9 minutes top chrono, devant une classe redevenue une classe de socio - endormie et inoffensive.

Sur un signe de tete de Sharmila Flo et moi repartons aussi sec, sous les yeux epoustoufles de tout le monde (ils doivent probablement nous hair d’avoir reussi a echapper a deux séances sur trois de 3h d’exposes soporifiques).
En route pour la mission du matin numero 2 (qui ne s’achevera que tard dans l’apres-midi).

Nous resautons sur notre scooter, direction l’appartement. Nous interrogeons Erin (elle a croise un gamin assit sur les marches du 4eme quand elle est partie pour ses courses matinales). Interrogatoire des voisins et autres gens qui trainent dans la residence, plutot limite ceci dit car il se fait en Hindi…
Finalement, après deux clopes et un jus de pomme, nous partons pour l’Internet café raler chez Rohit. Quelques coups de fil plus tard et ses potes du slum sont sur le coup. Ils essaieront d’entendre parler de nos laptops pendant la journee et nous previendrons au cas ou…
Sur ce nous reresautons sur le scooter, direction Brahmin chowk police station, sur les conseils d’Aamanee. (Oui, tout le monde sera progressivement mis dans le coup…)
Apres quelques petits allers-retours dans DP Road, et bien sur quelques avis contradictoires, nous arrivons dans un batiment que nous croyons etre le commissariat. Mais en fait non c’est pas la, c’est en face.
Nous repartons. Soudain, un homme nous court après, “Where do you live?”. “Bhau patil Road”. Ah. Du coup ce n’est pas a cette police station que nous devons nous rendre, mais a la Khadki police station.
Fort bien, Fox et Charlie rereresautent sur le scooter.

J’abrege.
La Khadki police station est perdue au milieu de l’un des quartiers musulmans de la ville. Nous slalomons entre les gens et les vaches, les rues sont tortueuses et tres tres tres etroites, l’effervescence a son maximum : c’est un petit village dans la ville.
Au commissariat personne ne parle Anglais, nous comprenons juste qu’ici ce n’est pas le bon endroit, nous devons nous rendre ailleurs.
Quelque part sur la Mumbai-Pune highway, pres de la All-Saints Highschool…

Quand nous trouvons enfin le ‘bon’ commissariat…
# nous nous rendons compte qu’il se trouve juste derriere la maison, au bout d’Aundh Road, et qu’on a fait un fantastique detour de plusieurs bornes pour rien
# un flic nous ecoute vaguement, nous regarde, sourit, “But what can police do for you?” C’est bien ce qu’on pensait…
Au final nous insistons un peu, verdict : quelqu’un va venir avec nous. Ok, pour faire quoi ? Ben pour voir, et on prendra une decision après. Euh, et on y va comment ? Le flic “Bike. You?” “We have a scooter.” “Theek hai. Chalo then.”
Et on est partit : Rambo chausse ses Rayban, et Flo et moi rererereresautons sur le scooter…

interlude #2
Rappel : le scooter est un Kinetic des ‘80s. Aucune de nous deux n’a de permis de conduire, nous n’avons pas les papiers du scoot parce qu’ils n’existent pas (scooter vole ?), Flo est la seule a avoir un casque.
Rappel 2 : nous partons accompagne de notre escorte policiere.
/interlude #2

Apres quelques slaloms, doublages par la droite, par la gauche, contresens et franchissement de ligne blanche pour eviter les trous de Bhau patil Road, nous finissons par enfin arriver a l’Akanksha B avec le flic.
Il est 14h19, Rambo penetre enfin sur les lieux du crime…

Il monte au 5eme, jette un coup d’oeil a l’appart, aux voisins, a la configuration, analyse la situation, redescend, rechausse ses lunettes… nous rerererereresautons sur le scooter, partons faire de l’essence, nouveau contresens, et Rambo nous amene a un autre commissariat (mais combien y en a-t-il exactement ???). Celui-ci est encore plus pres de la maison, et nous sommes deja passes des milliers de fois devant…
Nous sommes amenees directement chez l’inspecteur (bureau fortdepouille) (euphemisme) qui ne parle lui-meme, a titre personnel, pas l’Anglais. Nous racontons l’histoire, notons avec un stylo qui marche pas nos noms et le reste. (Nb : A l’instant, par Francois : “Ah on a fini par vous emmener a cette police station la ?? C’est celle des agents de la circulation…”)
Autres blagues :
# l’inspecteur nous demande les receipts des ordis (ben voyons…)
# “Ah c’est en France ? Ben vous pourriez les faxer non ?”
Il faudrait deja les trouver… Puis… “Les scanner ca irait pas ?” *espoir*
*Coup d’oeil dans la piece archi nue* “Hein ? Vous voulez Internet ???”
# Flo reussi a appeler son frere, qui, après s’etre bien foutu de notre gueule, appelle mes propres parents et s’attelle lui-meme a la dure tache de retrouver le numero de serie de l’ordi de sa soeurette…
En attendant, l’inspecteur part pour son lunch break, en nous indiquant ou on peut trouver de l’eau. (?)

Au final, nous rererererereresautons sur le scooter (c’est la derniere fois) en compagnie de l’inspecteur et d’un autre policier. Direction la maison, l’inspection des lieux. Puis les flics sonnent chez nos voisins indiens pour qu’ils traduisent. L’inspecteur note nos declarations, les voisins apportent eau et chai, et le 2eme flic se contente de roupiller tranquillement sur sa chaise en plastique (il ne se reveillera que pour roter un bon coup).
Accessoirement nous frolons la catastrophe, parce que nous avions mentionnees 4 personnes a l’appart alors que nous ne sommes officiellement que trois. Du coup Lucy devient Justine, et Erin ‘juste une amie’. Comme nous ne pouvons donner d’adresse precise pour cette derniere, les soupcons du vol d’ordinateurs se portent sur elle… en attendant nous on se marre.
Finalement les policiers nous quitterons sur ce precieux conseil : “A votre place on irait au marche noir Dimanche matin tot.”
Et ce n’est pas une blague.

Pour finir, il faut quand meme mentionner que nous avons tenu Ambuj, notre connaissance utile (fils de l’Ambassadeur d’Inde au Venezuela et petit-fils du gouverneur du Kashmir) de l’incident. Resultat ?
18h36, Lucy, hurlant a titre informative depuis sa chambre : “Ambuj’s grandfather called the Army!!”
Boah, cherchez pas…